Pages blanches, taches d'encre et réflexions d'un idéaliste

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samedi 1 décembre 2007

Le poids des larmes


Un mardi de novembre à Grenoble. En début de soirée, le soleil est déjà couché, et un vent froid recouvre la ville. Les magasins ferment petit à petit, la ville semble se calmer. Après une journée active, les gens rentrent chez eux.
Je suis allé me promener dans les rues étroites de la vieille ville, moins encombrées qu'en pleine journée, et alors je rentre chez moi. Je prends le tram qui me ramène sur le campus. Le vrombissement des rames accompagne la musique de mon walkman. Je me calme, bercé par le mouvement et par la musique. Ce soir là, mon petit univers semble baigné de sérénité.

Le tram stationne quelques secondes à chaque arrêt. Rien ne stoppe la machine qui poursuit son parcours. Le véhicule passe non loin de l'hôpital. C'est là que monte la jeune femme à la poussette. Deux choses me marquent en la voyant : elle a les yeux rougis, sa poussette est vide. Des sentiments confus me submergent. La curiosité d'abord. Que s'est-il passé dans cet hôpital pour abattre ainsi la jeune femme ? Qu'est-il advenu de son enfant ? Est-il seulement malade ou alors, un scénario pire est-il imaginable ? J'en frissonne, je n'ose y penser. Toute sérénité s'est envolée, l'empathie me prend dans ses griffes avec douleur.
Le jeune femme attire mon regard. Derrière elle, les portes se referment, elle se met à sangloter. Elle fait un pas, se rapproche de la paroi, s'y appuie et s'asseoit. Non, en fait elle se laisse tomber. Elle est écrasée par le poids de son chagrin. Je détourne les yeux, je regarde autour de moi. Personne ne semble l'avoir remarquée, ou alors, personne ne veut la regarder. La gorge sèche, je n'ose pas m'approcher. La gorge noué par l'émotion. C'est comme ça : je ne gère pas mes émotions, alors je ne sais pas comment réagir à celles des autres. Impuissant, je me mords la lèvre et j'espère que quelqu'un va bouger, que quelqu'un va faire ce que moi je n'arrive pas à faire.
Au bout d'interminables minutes, une jeune femme s'approche de la mère éplorée. Elle lui glisse un mot que je n'entends pas. Etouffée par ses sanglots, elle semble incapable de répondre, elle est inconsolable.
La consolatrice de fortune reste à côté, muette, n'ayant pas obtenue de réponse. Elle ne sait pas trop quoi faire, embarassée. D'un côté, je suis soulagé : moi non plus je n'aurais pas pu faire grand chose.

Arrivés sur le campus, nous sortons, abandonnant la jeune mère à ses pleurs et à son histoire inconnue. Ce soir là, je dors mal, mon sommeil est troublé par l'angoissant mutisme d'une jeune femme à la poussette vide.

Dessin : Leely (merci !)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ca me fait toujours un frisson de voir un dessin illustrer un de tes articles.
Je trouve que ça rend vraiment bien.
J'illustrerai ton premier roman, si tu es d'accord ;)

Anonyme a dit…

C'est vrai que ce n'est déjà pas facile de trouver les mots pour consoler quelqu'un que l'on connait alors une inconnue dans le tramway ... j'admire la femme qui est allé lui parler.

Qu'est-ce qui a bien pu la rendre si triste ... on ne saura (sûrement) jamais ... :'(